La technique du rasage classique à travers l’histoire

De l’Homo Sapiens à Gents

Rédigé avec le barbier Simon

Depuis la nuit des temps, le besoin de l’homme de raser les poils de son visage occupe une place centrale, tant comme rituel que pour des raisons esthétiques, religieuses ou tout simplement pratiques. Un poil pousse en effet d’environ 15 cm par an. Dans un autre article, nous avons exploré l’histoire de la barbe et du rasage classique, mais ici, nous allons nous concentrer plus en détail sur les outils et la technique de rasage classique, ainsi que sur leur évolution à travers les âges.

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Préhistoire & Antiquité

Malgré l’image que l’on se fait des hommes préhistoriques barbus et chevelus, il est surprenant de constater que des traces archéologiques témoignent de pratiques de rasage classique et d’expérimentations d’épilation dès l’Âge de pierre. Il y a environ 60 000 ans, on utilisait des coquillages polis comme « rasoir » – une procédure sans doute laborieuse et peu confortable, mais qui marque les premiers pas vers nos outils modernes.

En avançant vers l’Antiquité, on découvre pour la première fois une réflexion approfondie autour du rasage classique. Dans l’Égypte ancienne, presque tous les Égyptiens, de toutes classes sociales, étaient en réalité rasés de près, même si les pharaons remplaçaient leurs cheveux et barbes rasés par de fausses barbes et perruques sophistiquées, symboles de divinité, de statut et de pouvoir. Le climat chaud d’Égypte favorisait cette pratique pour éviter les parasites et les problèmes d’hygiène. Plus le statut social était élevé, plus l’absence de poils était importante, car la pousse des cheveux était associée à la négligence. Ceux qui n’avaient pas les moyens d’engager un coiffeur pouvaient se rendre chez les premiers barbiers professionnels. Les outils consistaient principalement en des pierres aiguisées montées sur des manches en bois, et l’on frottait également les poils avec de la pierre ponce.

En Égypte, les poils corporels et faciaux étaient considérés comme impurs et honteux, mais dans la Grèce antique, la barbe a connu une renaissance en tant que symbole de sagesse, et l’on ne comprenait pas la passion égyptienne pour l’épilation. Avec Alexandre le Grand, tout changea : il interdit à ses soldats de porter la barbe, jugée impratique et dangereuse à la guerre. C’est à cette époque que l’on voit apparaître les premiers objets ressemblant à des couteaux, en bronze ou en fer, destinés au rasage classique.

Les crèmes dépilatoires ne sont pas une invention moderne : elles existaient déjà en Égypte, à base de composés arsenicaux ou de plantes médicinales (parfois du sang de chauve-souris ou des extraits de vipère !). Ces recettes furent perfectionnées dans la Rome antique, où, jusqu’à l’empereur Hadrien, l’idéal était un visage parfaitement rasé. Les Romains utilisaient aussi quotidiennement des pinces à épiler, mais c’est à cette époque que le coupe choux commence à prendre forme – on a même retrouvé de petits coupe choux pliants, décorés avec raffinement. Les lames de rasoir en fer firent leur apparition. On se rendait souvent chez le « tonsor », le barbier, mais le rasage classique n’était pas sans danger : sans mousse à raser, les coupures étaient fréquentes, et même si ce n’était pas aussi sanglant qu’un champ de bataille, les accidents étaient courants. La mode du visage glabre se poursuivit au Moyen Âge : les chevaliers étaient rasés de près, car la barbe était incompatible avec le port du casque.

L’avènement moderne du coupe choux

Les premiers coupe choux occidentaux modernes – appelés straight razors ou « throat cuts » – furent développés à Sheffield, en Angleterre, lorsque Benjamin Huntsman réussit vers 1740 à produire une lame en acier au carbone dur, un alliage de fer et de carbone. L’invention ne séduisit pas immédiatement les fabricants anglais, mais ce sont les Français qui, en adoptant le procédé, le rendirent populaire – la marque française Thiers-Issard utilise encore aujourd’hui ce procédé dans la fabrication de ses couteaux haut de gamme. Au XIXe siècle, les Allemands arrivèrent avec leur acier au carbone plus doux, et la région de Solingen devint synonyme de produits en acier pour couteaux de cuisine, outils de rasage classique et articles de manucure – leur acier plus tendre était jugé plus facile à aiguiser, à entretenir sur le strop et à soigner. À cette époque, seuls les classes aisées pouvaient se permettre de se faire raser quotidiennement par des domestiques. Les barbiers délaissèrent peu à peu leurs tâches médicales pour se consacrer au rasage classique et à la coiffure : de plus en plus de barber shops ouvrirent, surtout en Angleterre et aux États-Unis, mais ce n’est qu’au début du XXe siècle que la visite chez le barbier devint une routine quotidienne pour tous, quel que soit le statut social. Le plus ancien barber shop connu en Angleterre est Truefitt & Hill, ouvert à Londres dès 1805.

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Le développement du rasoir de sécurité

Dès le milieu du XIXe siècle, on commença à expérimenter l’ajout d’une lame sur un manche, mais ce n’est qu’autour de 1880 que Frederic et Otto Kampfe, à New York, lancèrent leurs premiers modèles où une lame était protégée dans un boîtier métallique. Les premiers modèles étaient des single-edge razors avec une petite lame unilatérale placée dans un compartiment refermable, surnommés « GEM ». Ces modèles ne sont plus fabriqués aujourd’hui, mais il est encore possible de trouver des lames de rasoir pour ceux qui dénichent ces curiosités sur le marché de l’antiquité.

Les rasoirs GEM continuèrent à être produits pendant plusieurs années, mais dès 1901, King Camp Gillette déposa le brevet du modèle qui allait devenir l’allié incontournable de l’homme moderne pendant des décennies : le rasoir de sécurité à double lame – the double-edge safety razor – qui permettait de changer facilement la lame de rasoir. Initialement conçu pour les soldats de la Première Guerre mondiale comme outil de rasage classique portable, il leur fut offert à leur retour. Sa popularité grandit, la demande de lames de rasoir augmenta, et rasoirs comme lames furent produits en masse. L’expression « be your own barber » fut inventée, car désormais, chaque homme pouvait se raser lui-même. Dans les années 1920, Schick lança l’« Inject razor », où l’idée était de ne jamais toucher la lame : une nouvelle lame insérée via une cassette éjectait l’ancienne.

Les anciennes lames de rasoir étaient encore en acier au carbone, ce qui les rendait rapidement émoussées ou nécessitait un entretien régulier au strop, et elles rouillaient vite. La solution arriva dans les années 1960, lorsque la marque anglaise Wilkinson Sword lança des lames en acier inoxydable, un acier au carbone allié au chrome, forçant la concurrence à suivre. Les lames de rasoir gagnèrent en durabilité et résistèrent mieux à la corrosion.

Le rasoir de sécurité double lame classique fut décliné en plusieurs modèles avec différentes têtes : outre le capot classique à « peigne fermé », apparut très tôt la version plus agressive dite « open comb », où la lame de rasoir est plus exposée, protégée uniquement par un peigne, et la marque allemande Merkur lança également le fameux slant à tête « twistée », permettant un rasage classique extrêmement précis tout en minimisant la friction. Dans les années 1940, la fonction ingénieuse butterfly fit son apparition, permettant de changer la lame de rasoir facilement en tournant le manche, la tête s’ouvrant en deux volets – un design résolument « space age ». Le butterfly connut un véritable succès dans les années 1950 et devint la référence pour nos grands-parents et parents pendant longtemps.

D’autres techniques prennent le relais

Dans les années 1960, une toute nouvelle technologie fit son apparition avec le système à plusieurs lames (les cartridge razors), où Gillette s’imposa comme leader du marché. Le manche devint plus ergonomique, et les doubles lames nécessitant mousse à raser ou savon à barbe (tout comme le coupe choux) furent remplacées par des têtes interchangeables contenant plusieurs lames de rasoir alignées. Avec le Mach3 à trois lames, puis le Fusion à cinq lames, le rasage classique devint d’une facilité déconcertante, sans coupure, et il suffisait d’un mousse à raser en aérosol ou de la « lubra-strip » intégrée au rasoir pour préparer la peau.

En alternative, le rasoir électrique fit son entrée pour ceux qui souhaitaient un rasage classique rapide, simple et sans mousse à raser – il fut introduit dès les années 1930 et resta populaire pendant des décennies, même si son action est plus superficielle et moins nette, mais pour les plus pressés, c’était une révélation. Il pouvait même s’utiliser en voiture !

Aujourd’hui, le rasoir de sécurité revient en force, car on a compris que ses lames de rasoir économiques offrent un rasage classique plus précis, plus efficace et bien plus rentable. Gents propose plusieurs marques de rasoirs populaires comme Merkur, Benjamin Barber, Sailor's, et le rasoir de sécurité s’inscrit parfaitement dans la tendance actuelle avec son esthétique rétro affirmée et une expérience de rasage classique qui respire la qualité. Il en va de même pour l’utilisation de crème à raser ou de savon à barbe et de blaireau. Même le coupe choux traditionnel à lame entière et sa version simplifiée, la shavette à lames de rasoir interchangeables (utilisée aujourd’hui par les barbiers en Suède), connaissent une renaissance bien méritée.

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